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12 mai 2013 7 12 /05 /mai /2013 21:17

 

Saint Anselme.

Enseignement de Pierre COURTHIAL

 

 

 Proslogium.

 

Né en 1033 en Lombardie. A grandi au sein des montagnes. On l’a surnommé « l’homme grandi entre les montagnes ». Sens physique, mais aussi spirituel : toute l’Ecriture Sainte cherche à nous faire grandir entre les montagnes de Dieu : Eden, Sinaï, Sion…

 

C’est dans les monastères que se réfugiaient la piété, et l’étude. C’est grâce aux Moines que s’est poursuivie la méditation de la Parole de Dieu. Lieux de conservation des manuscrits.  L’époque de St Anselme a vu se développer les livres, et les époques monastiques. Les écoles monastiques vont être doublées par les écoles municipales des villes.

 

Anselme, à l’âge de 24 ans, va quitter sa Lombardie, pour aller en France. Il va mener une vie errante en France : Franche Comté, pays de Loire, Orléans, puis Normandie. A ce moment là il y avait Guillaume le conquérant, homme remarquable (tire son nom de la conquête de l’Angleterre) homme ayant le souci de l’Eglise cherchant à assainir la vie du clergé et des monastères. Souci d’un clergé moral, pieux. Il a protégé les monastères de Normandie et de la partie de l’Angleterre (est) en rapport avec la Normandie, avant la conquête de 1066.

 

Anselme va devenir en Normandie le prieur, l’écolâtre : l’enseignant des moines de l’Abbaye de LuBeck ;, fondée par Ervin. C’est là qu’il va enseigner : les arts libéraux. Avec Anselme, il va y avoir un développement vers une étude approfondie de l’Ecriture. La devise d’Anselme va être : « De ce seul Dieu on décide la direction » ; Anselme va écrire là ses œuvres proprement philosophiques : Proslogium (seul bloc, monologue) et l’Allocution (allocution, discours) Ces discours vont beaucoup compter dans la réflexion chrétienne.

 

Jean de Fécamps a écrit « laodacio » et a été traduit et publié, en trois parties : sorte de manuel de méditation théologique. Il a été l’un des conseillers spirituels de Guillaume le Conquérant. C’était dans les monastères que se regroupaient les manuscrits de la Bible et les œuvres théologiques. Anselme va se trouver promu de façon inattendue en étant  archevêque de Cantorbéry, primat d’Angleterre. Il est nommé par Guillaume.

 

Nous rentrons dans une seconde période de la vie d’Anselme, qui va le faire naviguer d’Angleterre au Continent, il va combattre le nouveau roi d’Angleterre, Guillaume le roux, fils de Guillaume. Un autre fils, Robert, a reçu le duché de Normandie.

 

Anselme va combattre pour la liberté de l’Eglise : le roi n’a pas à diriger l’Eglise. Cela va durer pendant  toute la vie d’Anselme jusqu’à sa mort en 1109.

 

C’est dans la campagne italienne qu’il a écrit son grand livre, où la réforme a puisé abondamment : il répond à la question pourquoi Dieu s’est fait homme. Texte théologique majeur repris par les Réformateurs. Il donne le sens de la doctrine de l’expiation. Ouvrage majeur.


Revenons aux œuvres philosophiques. Parmi ses œuvres, le fameux Proslogium. Il faut comprendre la réflexion que les philosophes et théologiens chrétiens ont poursuivi concernant les preuves de l’existence de Dieu. Ici, on trouve deux courants différents, durant toute l’histoire de l’Eglise, au sujet du sens de la portée de ces preuves de l’existence de Dieu.

 

En Romains 1, Paul lance des pistes qui ont inspiré ces auteurs : tous les hommes ont une idée de Dieu, un « sens de Dieu ». Paul dit que tous les hommes « connaissent Dieu ». Pour plusieurs raisons :

 

-       Autour d’eux, toute la création manifeste Dieu : le monde autour de nous prouve Dieu, pas par un discours, ou par des arguments. Quand on voit un tableau, on reconnaît qu’il y a un auteur derrière. On en reconnaît la signature même. Là, toute la création est signée Dieu. Personne ne peut échapper ainsi à la connaissance de Dieu.

 

-       L’homme lui-même ayant été créé image de Dieu, ne peut se connaître lui-même sans avoir aussi une connaissance de Dieu. Cette connaissance que l’homme a de Dieu, l’homme la retourne contre Dieu. « Connaissant Dieu », l’homme révolté contre Dieu divinise n’importe quelle réalité créée pour substituer le mensonge à la réalité, et pour planter son sens de Dieu ailleurs. Le « cœur » de l’homme est normalement orienté vers Dieu. Mais « Connaissant Dieu », ayant un sens de Dieu, l’homme détourne son cœur de Dieu, et va l’orienter dans toutes sortes d’idoles, d’images possibles. On affirme à la fois que tout homme connaît Dieu, et en même temps il se détourne de Dieu et rend un culte à la créature au lieu du Créateur. Il met son « sens de Dieu » ailleurs qu’en Dieu. Il va adorer la créature au lieu du créateur ; Paul conclut : c’est ce qui rend tout homme inexcusable.  Cela va très loin pour nos entretiens avec les non croyants, pour la mission de l’Eglise ; Nous sommes en face d’hommes qui ont un sens de Dieu mais qui sont en révolte contre lui. Il n’y a pas d’incroyants. Il n’y a que des hommes qui ont  détourné leur foi vers un faux dieu, vers la créature. Quand quelqu’un nous dit « je n’ai pas la foi », il faut le démentir, disant « tu as la foi, mais pas orientée vers Dieu ». Cf St Augustin notre cœur est « inquiet, sans repos »’ jusqu’à ce qu’il repose en Dieu. Nous avons à faire à des « croyants » qui mettent leur foi en n’importe quoi sauf dans le Dieu de la Bible. Il s’agit alors de ramener la foi vers Dieu (et non pas de susciter la foi chez les incroyants). C’est là le travail d’évangélisation. Le mot grec métanoïa, conversion, consiste à ramener la foi de quelqu’un pour une idole vers le vrai Dieu. Il y en a qui absolutisent la raison humaine, la science, l’homme par exemple.

 

Cf Calvin qui cherche à montrer quelle doit être la vraie direction de ce sens de Dieu inné en l’homme. Il est ici directement héritier de Augustin et d’Anselme. On ne peut bien comprendre Anselme qu’à la lumière de ce qu’on vient de dire.

 

Cf Théorie chrétienne de la connaissance, 1969 (en anglais). VAN TIL.

 

On a traité l’ouvrage d’Anselme dans tout ce qu’on vient de dire. Il ne s’agit pas pour Anselme de prouver Dieu au sens de preuves mathématiques, où la preuve « s’impose ».  Ce que veut montrer Anselme, c’est qu’une méditation, pour une personne cherchant à connaître ce qu’elle ne sait pas, c’est de trouver une raison. Cf la « preuve ontologique » d’Anselme qui consiste à dire : nous ne pouvons concevoir ce qui domine tout, ce qui est le plus grand bien, la plus grande puissance, sans qu’en même temps, celui que nous concevons ainsi, s’imposant à notre intelligence, soit aussi dans la réalité ; Seul  l’insensé nie Dieu. Seul l’insensé peut mettre quelque chose, quelqu’un à la place de Dieu. Seul celui qui n’est plus orienté dans la bonne direction peut dire « il n’y  a pas de Dieu ». L’insensé sait pourtant qu’il y a une Dieu. Dieu s’impose à lui par la création, par l’image de Dieu.

 

Extrait : Proslogion : Proslogue ou Allocution sur l'Existence de Dieu et sur ses Attributs

 

« Faible mortel, dérobe-toi un instant aux occupations d'ici-bas; cherche un abri contre l'orage de tes pensées, dépose le posant fardeau de tes inquiétudes, suspends ton pénible labeur. Un moment du moins occupe-toi de Dieu, un moment repose-toi en lui. Entre dans le sanctuaire de ton âme, ferme-le aux souvenirs importuns de la terre, aux vains bruits du monde, et, seul avec tes réflexions pieuses cherche Dieu dans le silence du recueillement. Dis, ô mon cœur, dis maintenant à Dieu : « Je veux contempler ta face; c'est ta face, Seigneur, que je veux contempler. » Et vous, mon Seigneur et mon Dieu, apprenez à mon cœur en quel lieu et comment il doit vous chercher, en quel lieu et comment il peut vous trouver. Seigneur, si vous n'êtes pas ici près de moi, où vous chercherai-je ? Si vous êtes partout, pourquoi ne vous vois-je point ? Je sais que vous habitez au sein d’une lumière inaccessible ; où donc est-elle, cette lumière inaccessible? Comment pourrais-je en approcher ? Qui me guidera vers elle ? Qui m'y fera pénétrer afin que je vous voie dans votre mystérieuse et brillant» demeure? Et quels signes, à quels traits vous reconnaîtrai-je? Je ne vous ai jamais vu, mon Seigneur et mon Dieu ; je ne connais point votre visage. Que fera, Dieu très haut, que fera ce pauvre exilé qui languit si loin de vous? Que fera votre serviteur qui brûle d'amour pour vous, et qui est banni de votre présence? Il voudrait vous voir, et il ne peut franchir la distance qui le sépare de vous; il voudrait aller vers vous, et, votre demeure est inaccessible ; il voudrait vous trouver, et il ignore où vous êtes; il voudrait vous chercher, et il ne connaît point les traits de votre visage. Vous êtes mon Seigneur et mon Bien, et je ne vous ai jamais vu ; vous m'avez créé deux fois, vous m'avez comblé de vos bienfaits, et je ne vous connais pas encore. J'ai été créé pour vous voir, pour vous contempler, et je n'ai pu encore atteindre le but de mon existence.(…)

 

Apprenez-moi à vous chercher ; montrez-vous à mes regards qui vous cherchent, car je ne puis vous chercher si vous ne guidez mes pas, ni vous trouver si vous ne vous révélez pas à moi. Je dois vous chercher en vous désirant, je dois vous désirer en vous cherchant, je dois vous trouver en vous aimant, je dois vous aimer en vous trouvant. Je le confesse, Seigneur, et je vous en rends grâces, vous m'avez créé à votre image, afin que je me souvienne de vous, que je pense à vous, que je sois rempli d'amour pour vous. Mais ce reflet divin que vous avez mis en moi est tellement effacé par l'empreinte du vice, tellement obscurci par les ténèbres du péché, qu'il est désormais pour moi un flambeau inutile si vous ne lui rendez sa splendeur première. Je n'essaie point, ô mon Dieu, de sonder les profondeurs mystérieuses de votre nature; mon intelligence bornée ne peut mesurer l'immensité de vos perfections ; mais je désire comprendre, autant qu'il est en moi, les saintes vérités que mon cœur aime et que ma foi reconnaît en vous. Je ne cherche pas à comprendre afin de croire, je crois afin de comprendre; je ne puis avoir l'intelligence qu'à condition d'avoir d'abord la foi. »

 

 

Nous avons ici la clé d’Anselme

 

Dans l’histoire de l’Eglise, il y a ceux qui pensent, comme les Thomistes, que dans un premier temps, il faut que les hommes cherchent à comprendre. Et s’ils comprennent, si leur raison leur permet, ils auront une certaine base pour croire. Sur la base de ce « déjà compris », je crois.

 

La position d’Augustin, d’Anselme, de Luther et de Calvin, c’est la position inverse : je crois, je me fie en la Parole de Dieu, je crois en Jésus Christ, je me confie en lui, et sur la base  de la foi, alors je peux commencer à comprendre.

Zone de texte: COMPRENDRE CROIRE OU CROIRE COMPRENDRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La devise d’Anselme : je crois   afin de comprendre. Il faut Jésus Christ, la Parole  de Dieu incarnée, il faut l’Ecriture Sainte, la Parole de Dieu  écrite, et sur la base de ma foi en JC et en la Parole de Dieu, je peux commencer à comprendre  qui est Dieu, qui je suis, quel est le sens de l’existence  du monde, quel est le but des diverses sciences.  Ou bien, si je ne fais pas cela, je vais essayer  dans un premier temps de comprendre sans croire. Mais alors comment parviendrai-je à croire ?  C’est le sens du proslogium d’Anselme : il faut  croire en Dieu pour comprendre. Je ne peux me comprendre  que si je crois en Dieu.


Nous touchons au sens de la philosophie, ce mot signifie  « amour de la sagesse ». Or que nous dit la Bible ? Elle nous dit que le commencement de la sagesse, c’est la crainte de Dieu, non pas la « peur », mais « la révérence ». Je ne peux connaître vraiment la sagesse que par Celui qui est la sagesse. C’est Dieu qui est la sagesse.  C’est la Parole de Dieu qui est notre sagesse, c’est JC. Si je connais Dieu, et Jésus Christ, pas les Ecritures,  je pourrai commencer vraiment à réfléchir, à comprendre, à faire de la philosophie et de la théologie, à développer les sciences. L’inverse n’est pas possible. Car l’adoration à Dieu, le culte rendu à Dieu, c’est le commencement.  Cela veut  dire qu’il ne faut pas commencer par la sagesse, mais qu’il faut commencer par Dieu.

 

Cf Les premiers chapitres de l’Institution chrétienne de Calvin : il dit : connaître Dieu et se connaître, c’est la même chose. Si je me connais vraiment, c’est parce que je connais Dieu. L’homme étant image de Dieu, c’est  en connaissant Dieu que je pourrai savoir qui je suis, vers qui je dois tendre, qui je dois chercher. Cf la devise d’Anselme. C’est ce seul Dieu qui devient mon intention première. Si ce Dieu de la Bible est connu, tout le reste s’éclairera et le monde entier viendra chanter la gloire de Dieu.  Les cieux célèbrent la gloire de Dieu, et l’étendue manifeste l’œuvre de ses mains… Par Dieu, j’aurai la clé  de la connaissance du monde et de la connaissance de moi-même. Je ne connaîtrai la création que si je reconnais son créateur.

 

Enseignement n°2.

 

Deux ouvrages à posséder de St Anselme : Le prologium

Le court deus homo. « Pourquoi Dieu s’est fait homme ? » Sources chrétiennes a édité cet ouvrage. Pourquoi Dieu Homme ?

 

Ouvrage très important. Un des théologiens évangéliques  (Denney) n’a pas hésité à dire que ce cours est le plus vrai et le plus grand livre sur l’expiation qui n’ait jamais été écrit. D’autre part, Berkhof, excellent Dogmaticien américain, d’origine hollandaise,  dans sa « Systematic Theology » cite à plusieurs reprises St Anselme. John Murray, prof  au Westminster seminary à Philadephy, cite dès le départ ce livre de St Anselme dans son ouvrage sur la Rédemption.

 

Les penseurs réformés font donc référence à St Anselme dès qu’il s’agit de parler de la rédemption, de l’expiation du Christ. Dans l’institution chrétienne, Calvin ne mentionne pas St Anselme. Par contre il cite beaucoup St Bernard. L’ouvrage classique de la Réforme qui  sans citer le nom de St Anselme, emprunte l’essentiel  de sa pensée, c’est le catéchisme de Heidelberg, publié en 1553, ayant pour auteurs deux jeunes réformés. Dans les questions 12 à 18 du Catéchisme, c’est St Anselme qui est employé, cité.

 

·      Ex : 12« Puisque nous avons donc mérité par le juste jugement de Dieu  un châtiment temporel et éternel  comment pourrions nous l’éviter et rentrer en grâce ? »

·      13 : «  Pouvons nous payer nous-mêmes ? » (= pouvons-nous « satisfaire » ?) 

·      14 « Y a-t-il une simple créature qui puisse payer pour nous ? »

·       15 : « Quel médiateur devons nous donc chercher ? » 

·      16 : « Pourquoi doit il être vrai homme et parfaitement juste ? »

·      17 : « Pourquoi doit il être en même temps vrai Dieu ? »

·      18 : « mais qui est ce médiateur qui est à la fois vrai Dieu  et vrai homme parfaitement juste ? »

 

Ces questions du Catéchisme de Heidelberg sont mot à mot  tirées du « Cour Deus Homo ». On est sauvé par la foi, cela on le savait, même si la doctrine n’était pas encore précisée. On savait qu’il n’y avait de pardon des péchés qu’en raison du sacrifice de JC. La foi des premiers chrétiens était là sans que le dogme ait été  développé. Par exemple les premiers chrétiens  croyaient qu’il n’y avait qu’un seul Dieu, que le père était Dieu, que le Fils était Dieu, que le St Esprit était Dieu, bien que le mot trinité ne leur ait pas été venu à l’esprit. C’est seulement avec Tertullien que le dogme de la doctrine de la trinité sera développé.  C’est peu à peu  que pour préciser le mystère de la trinité qu’on a construit la doctrine, il a fallu du temps.

 

Pour parler vraiment de l’expiation, il avait donc fallu au préalable parler de Dieu. Qui est Dieu ? Tel qu’il est révélé dans les Ecritures. C’était le premier point.

 

Il fallait aussi bien voir que JC n’était autre que Dieu, la seconde personne de la Trinité incarnée : là nous avons  la doctrine d’Athanase, la doctrine de la personne unique de JC à la fois vraiment Dieu et vraiment homme. Doctrine de l’unique personne et des deux natures de JC  Il a fallu que peu à peu le dogme se précise. Ensuite  il fallait arriver à l’anthropologie développée par St Augustin : développement des doctrines chrétiennes qui forment le sous bassement de la doctrine de St Anselme sur l’expiation.

 

Il y a donc un développement des doctrines à travers l’histoire : peu à peu l’Eglise, méditant sur le donné révélé, sur la Parole de Dieu,  voit les doctrines se préciser : la justification par la foi avec Martin  Luther, puis la doctrine de l’autorité souveraine  avec Calvin : Dieu parlant par l’Ecriture. C’est  donc peu à peu que des dogmes fondamentaux ont été perçus.  Cela ne signifie pas qu’avant le développement de ces dogmes, l’Eglise  et les chrétiens ne croyaient pas en ce que ces dogmes précisaient et approfondissaient. 

 

Par exemple, il y a datant du  début du second siècle l’épître à Dionète. On ignore l’auteur de l’épître, on ne sait rien sur Dionète, mais cette épître, des années 110 – 120, est un texte admirable. Parlant de nos iniquités, ce texte dit :

 

« Il a donné son Fils comme rançon pour nous, lui, le saint pour les transgresseurs, lui, le sans tâche pour les pécheurs, lui, le juste pour les injustes, lui l’incorruptible pour les corruptibles,  lui l’immortel pour les mortels. N’y aurait il en dehors de sa justice quoi que ce soit pour couvrir notre péché ?  N’y aurait il pour nous justifier, nous pécheurs et sans Dieu, quoi que ce soit en dehors  du Fils unique de Dieu ? O doux échange, O action introuvable, O bénéfice dépassant toute attente, voici qu’un unique juste cache l’injustice d’un grand nombre, voici que la justice de cet unique  justifie un grand nombre de transgresseurs ».

 

Voici un texte qu’on pourrait presque trouver sous la plume de St Anselme, ou  sous celle de Luther et Calvin. Ce texte montre comment notre justice et notre salut sont en Jésus Christ. Cela ne veut pas dire que l’on a attendu Tertullien  pour croire à la Trinité, mais  on croyait à la Trinité sans que le dogme  ait été suffisamment approfondi et précisé.  De même pour ce qui est de l’unique personne et des deux natures de JC, de même pour ce qui est du pécheur qui ne peut être sauvé que par la grâce de Dieu.

 

C’est donc seulement peu à peu que les doctrines de la foi, de l’Ecriture, vont être précisées. De même que JC bâtit son Eglise  au fur et à mesure que passent les siècles,  de même l’Esprit Saint bâtit à travers les docteurs de l’Eglise  les dogmes que l’Eglise reconnaît comme  le dogme de la Trinité, de JC, de la grâce souveraine  de Dieu pour le salut, le dogme de l’expiation,  du salut par la foi, de l ‘Ecriture sainte autorité souveraine.

 

Les dogmes sont approfondis et précisés,  oui, mais d’une manière intuitive les chrétiens ont toujours cru cela.  Mais ils ne savaient pas le préciser.

 

Nous avons à faire  à un développement autour d’un mot, qui est le mot « SATISFACTION ». Deux mots latins : Satis : assez. Faction : faire. En faire assez.  Par son sacrifice sur la croix, Jésus Christ  a parfaitement  satisfait, c’est à dire qu’il en a fait plus qu’assez, pour  notre salut. La satisfaction de JC : ce mot a été employé d’abord par Tertullien, le théologien latin. 

 

Tandis qu’avec Anselme  et son cours Deus homo, le concept de satisfactio va acquérir une ampleur considérable. Pour le péché, dont la gravité est si grande, il ne fallait rien de moins que l’intervention qu’a été l’Incarnation du Fils de Dieu. Jésus Christ s’est fait homme, il a parfaitement satisfait pour nos péchés ; Ce mot « satisfaction » est donc tout différent du mot français ordinaire employé aujourd’hui. Ce mot latin va bien au –delà. On pourrait traduire par « payer ». Jésus Christ a plus que payé pour nous sauver. Le prix de notre salut n’est autre que le sacrifice du Fils unique de Dieu sur la croix.

 

Il ne s’agit pas de payer en un sens commercial. Jésus Christ a donné sa vie. Il faut entendre ce mot satisfactio dans un sens transcendant. Ce prix c’était sa mort sur la croix, ses tourments jusqu’à être coupé de Dieu, abandonné de Dieu, pour notre salut. Il a pleinement satisfait, a pleinement payé le prix.

 

Les livres de Saint Anselme sont finalement très brefs.

 

Parenthèse. Au Moyen Age, il y avait ce qu’on appelait « la lectio » : la « lecture », littéralement. Mais ce n’est  pas exactement le cas. Il y  a encore dans nos universités des « lecteurs » : ce ne sont pas des gens qui passent leur temps à lire ; C’était un cours plus ou moins long, auquel se référait l’enseignant, « l’écolâtre ».  Anselme a été écolâtre à l’abbaye du Beck en Normandie. Quand il enseignait là il donnait des lectures, il faisait des « lectiones ». On lit le texte, et l’on essaye de transmettre un condensé de ce qu’on a lu : c’est cela faire une lectio. C’est ce que fait Courthial ici. Dans une fac de théologie on procède par des lectiones : le prof du NT partira d’un texte du NT, idem pour le prof d’AT, pour le prof de Dogmatique, de la systématique, etc…

 

Dans une fac de théologie, on a plus à faire à des « lectiones » qu’à des cours. Finalement tous les profs de théologie partent  d’une lectio fondamentale : la lecture de l’Ecriture Sainte. Au bout du compte, il s’agit toujours de la lecture de la Parole de Dieu.

 

Voyons maintenant quelques unes des Questions que s’est posée Anselme, qu’il a posé aux étudiants qui l’écoutaient et sur lesquelles ils réfléchissaient. Posons nous aussi ces questions, telles qu’elles sont posées par Anselme :

 

·      Comment s’accordent la justice et la miséricorde de Dieu ?  Dieu est un Dieu juste, oui, mais il est aussi miséricordieux. Et inversement. Question existentielle pour nous. Notre existence dépend de notre réponse à cette question.

 

·      Comment Dieu  peut-il pardonner un péché aussi grave que le nôtre  dirigé tant contre lui que contre notre prochain ? Sous entendu « sans cesser d’être Dieu ». Cf un livre qui est paru, au titre provocant : « Dieu est Dieu, nom de Dieu ». Titre qui peut paraître un blasphème mais qui n’en est pas un, car qu’est ce que Dieu, la révélation de Dieu, sinon la nomination de Dieu ?  Et le NOM est d’importance : tu n’emprunteras pas le nom de Dieu en vain. Dans ce livre se pose la question de qui est Dieu. Quel est ce vrai Dieu que nous révèle l’Ecriture sainte ? Quel est le nom de Dieu, en fin de compte ?

 

·      Pourquoi Dieu n’a-t-il pas pardonné comme il a créé souverainement ? Quand il a créé le monde, il a dit une parole : « que la lumière soit » et la lumière fut.  Et le récit qui nous est fait de la Création nous montrer Dieu créer souverainement. Mais quand il s’agit de notre pardon, pourquoi Dieu ne peut-il pas nous pardonner comme cela « je te pardonne », et tout est fait ? Pourquoi cela n’est il pas possible ?  Parce que Dieu est miséricordieux, il veut pardonner à tous ceux qui se repentent et qui croient, mais il est en même temps juste. Et le péché ça va coûter la vie de Dieu, qui va se faire homme pour donner sa vie et mourir. Dieu ne peut pas pardonner comme cela, en balayant sa justice. Car le péché doit être condamné, expié ; il faut payer le prix du péché ; C’est là où l’ouvrage d’Anselme prend toute sa place ; Cf l’AT ; Esaïe 53. « Méprisé, abandonné des hommes, (…) c’est de nos douleurs qu’il s’est chargé…  c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris » Tous ces textes nous montrent que nous ne sommes pardonnés que parce que notre péché a été expié. C’est la justice de Dieu qui veut cela. La miséricorde de Dieu ne peut exister sans la justice de Dieu. C’est ce qu’Anselme développe dans son ouvrage, c’est ce qui est repris dans le catéchisme d’Heidelberg. C’est aussi l’enseignement des Réformateurs.

 

Voltaire avait cette phrase horrible : « Dieu pardonnera : c’est son métier ».  Mais notre pardon a coûté la vie au fils de Dieu.  Pour que nous soyons pardonnés, le Christ a donné sa vie en sacrifice sur la croix. Dieu est mort pour nous. Et comme il ne pouvait pas mourir dans sa divinité, il a assumé  une humanité. C’est pour cela qu’Esaïe 53, ou une lettre comme la  lettre aux Galates, sont des textes fondamentaux à l’ouvrage d’Anselme, ou au catéchisme d’Heidelberg. Il y  a des gens qui parlent de Dieu comme du « bon Dieu », un Dieu à la Voltaire. Mais notre Dieu n’est pas le « bon Dieu ». Notre Dieu est Dieu, Nom de Dieu.  Dieu nous a tant aimé qu’il a voulu payer à notre place pour notre péché. Voilà pourquoi Dieu s’est fait homme.

 

On a déjà parlé  un peu de l’avant Anselme avec l’épître à Dionète, Tertullien, Augustin. On aurait pu citer Grégoire de Nazianze, Abélard.  Ce dernier (cf  Livre de Régine Pernoud sur Héloïse et Abélard, livre intéressant du point de vue historique, et non théologique) est dans la ligne pélagienne.   (Rappelons nous qu’au Moyen Age, il y a la ligne augustinienne et la ligne  pélagienne.) Abélard a parlé complètement de travers. Alors que Bernard de Clairvaux a, lui, suivi la ligne d’Anselme.

 

Et après Saint Anselme ? Ce qu’il n’avait pas développé, c’est la référence à la punition du péché dans l’expiation. Au fond chez Anselme on ne trouve pas établie la relation directe qu’il y a  entre la satisfaction du Christ (le paiement par le Christ) et la volonté punitive  de Dieu. Il décrit la dette du péché comme ayant  été payée par quelqu’un mais qui  ne s’est pas substitué au pécheur. Et c’est là qu’il va y avoir un  progrès théologique : Bernard commence déjà  à le voir.

 

Ceux qui ont développé la  ligne Anselmienne seront les Réformateurs.  Il va y avoir une nouveauté chez eux. Pour Saint Anselme, nous sommes sauvés essentiellement par ce que  les Réformateurs appellerons « l’obéissance passive  du Christ ». Ce mot « passive » étant en relation avec le mot « passion ». Autrement dit,  Jésus Christ est notre Sauveur parce qu’il est  mort sur la croix.  L’obéissance passive de JC, c’est un fait. Mais les  Réformateurs vont développer l’idée, dans le dogme de l’expiation,  de l’obéissance active de JC. Et c’est tout au long de sa vie. Pourquoi est ce que les Réformateurs ont voulu développer ce qu’un St Augustin avait commencé à dire et ce qu’un st Anselme  a dit beaucoup mieux dans son cours ? Parce que les Réformateurs se sont dits que nous avons été sauvés que parce que Jésus Christ s’est soumis  pour nous à la loi de Dieu. Mais JC ne s’est pas seulement soumis à la loi de Dieu dans son aspect de condamnation, mais il s’est soumis aussi à la loi de Dieu dans son aspect positif : dès son enfance, et à son âge adulte, Jésus Christ a obéi activement.  Il s’est appliqué, activement, à suivre la loi de Dieu.  C’est important pour notre salut.

 

Parce que de quoi avons nous  besoin ? De deux choses, disent les Réformateurs. Nous avons besoin  que notre péché soit puni. Ils ont développé cela, alors que St Anselme n’avait pas établi de relation directe  entre la passion de JC et la punition due à notre péché. Notre Seigneur JC a été PUNI à notre place. On ne trouve  pas chez Anselme, par exemple, le commentaire du « mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as tu abandonné ? » C’est ce qu’a développé Calvin quand il parle de l’article du Crédo : « Il est descendu  aux enfers » : il est allé  jusqu’à être abandonné de Dieu, maudit de Dieu.

 

Mais  les Réformateurs vont encore plus loin ils disent : il ne suffit pas que  notre péché soit puni pour qu’il soit expié, mais il faut que quelqu’un, à notre place, ait parfaitement obéi à la loi de Dieu. C’est seulement si JC a été  d’une obéissance ACTIVE tout au long de sa vie, s’il  a parfaitement obéi à la Loi de Dieu, que, en union avec Jésus Christ, nous puissions à notre tour commencer à obéir  activement à la Loi de Dieu. Jésus Christ ne nous sauve pas seulement en payant  à notre place, en payant  jusqu’à l’enfer, jusqu’à la séparation d’avec Dieu préciseront les Réformateurs,  mais Jésus Christ est celui aussi en communion duquel nous pouvons commencer à vivre en obéissance à la Loi de Dieu.  La loi de Dieu n’est pas seulement une loi qui nous condamne, mais elle est aussi indication de la reconnaissance que nous devons à Dieu., à sa loi.

 

Jésus Christ nous sauve de la punition du péché, et, nous sauvant  de la punition du péché, en nous plaçant dans sa communion, il nous permet de commencer à obéir activement à la Loi de Dieu.

 

Pour les Réformateurs, le premier point est la question de la justification : nous ne sommes justifiés que parce que Jésus Christ a payé à notre place. Mais le deuxième point est la sanctification : dans la communion avec Jésus Christ  qui nous justifie, nous pouvons commencer à obéir à la loi de Dieu.

 

 

 

 

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