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10 novembre 2009 2 10 /11 /novembre /2009 14:29
POURQUOI  JE  CROIS  EN  DIEU

 

Par Cornelius VAN TIL

 

Van-Til.gif

 

 

Présentation du texte qui suit par Van Til lui-même  (texte trouvé sur un site internet)

Dans cette petite brochure j’ai essayé de  préciser, en termes simples, pourquoi je crois dans le Dieu trinitaire de la Bible, celui de la théologie réformée historique. Je crois en ce Dieu parce qu’il me dit lui-même qui il est, qui je suis et ce qu’il a fait pour moi et pour les hommes, en Christ et par le Saint-Esprit.

J’ai été élevé sur le fondement de la Bible comprise comme Parole de Dieu. Mais maintenant que je suis adulte, puis-je continuer de croire dans le Dieu de la Bible ? Est-ce que je puis encore croire au soleil qui a éclairé le petit garçon aux sabots de bois que j’étais en Hollande ?

Je pourrais ne plus croire en rien tout autant que croire qu’il est toujours là comme fondement de tout. Puis-je voir les poutres qui soutiennent le plancher sur lequel je marche ? Je dois supposer, ou présupposer qu’elles sont bien dessous, sans cela je ne pourrais pas marcher sur ce plancher !

 

*  *  *

Introduction.

Vous avez sans doute remarqué ces dernières années* combien de scientifiques et des brillants philosophes ont fait de la religion et de Dieu leur « fond de commerce » ! Ils se déclarent prêt à entrer en matière avec les hommes qui disent avoir eu une expérience avec Dieu. Tel philosophe reconnaît que l’irréductible question du mal l’a obligé à reconsidérer ses arguments sur la question de l’existence de Dieu. Tout comme le théologien moderniste Reinhold Niebuhr parle du péché originel, le philosophe C.E.M. Joad parle du mal comme étant indéracinable de l’esprit humain.

 

Vous même, ne vous êtes-vous jamais demandé si la mort était effectivement la fin de tout ? Vous avez sans doute réfléchi, comme Socrate, le grand philosophe grec qui a lutté avec ce problème le jour avant qu’il ne boivent la coupe de ciguë. Y a-t-il quelque chose, vous demandez-vous, qui ressemble à l’idée d’un jugement après la mort ? Suis-je vraiment sûr qu’il n’en est rien ?  Comment puis-je savoir qu’il n’y a pas de Dieu ?

 

Bref, en tant que personne intelligente et responsable, il vous est arrivé de vous poser des questions sur les fondements de vos convictions et de vos engagements. Vous avez cherché à savoir, ou du moins êtes-vous intéressés par ce que les philosophes appellent votre « théorie de la réalité ». Ainsi, quand je vous propose de réfléchir avec moi sur mes raisons de croire en Dieu, j’ai le sentiment que vous êtes fondamentalement intéressés par ma proposition de discussion.

 

Afin de rendre notre conversation plus intéressante, commençons par comparer quelques épisodes de notre passé. Cela entrera d’ailleurs bien dans le cadre de notre sujet car la question de notre hérédité et de notre milieu socioculturel est devenue primordiale de nos jours. En effet, vous pensez peut-être que la seule véritable raison que j’ai de croire en Dieu

 

 

* Selon John Frame qui fut son élève puis son successeur à la chaire d’apologétique, ce texte a été écrit par Van Til en 1948..

 

 

tient au fait que j’ai été éduqué dans ce sens dès mon jeune âge ? Bien sûr, je ne pense pas que ce soit réellement cela même si je ne peux nier que j’ai été enseigné dans la foi en Dieu quand j’étais un petit enfant. Cependant, je vous assure que depuis que j’ai grandi, j’ai entendu un bon nombre d’exposés et d’arguments contre la foi en Dieu. Pourtant, après les avoir entendu je demeure plus que jamais un croyant convaincu. En fait, j’estime que toute l’histoire et la civilisation serait incompréhensible pour moi sans ma foi en Dieu. Ceci est tellement vrai que je propose de démontrer qu’à moins que Dieu ne soit le fondement de toute chose, nous ne

pouvons pas trouver le sens de quoi que ce soit. Je ne pourrai même pas argumenter pour ma foi en Dieu sans déjà le présupposer. Pareillement j’affirme que vous non plus vous ne pouvez argumenter contre la croyance en Dieu sans qu’il ne vous ai accordé les fondements pour le faire. Argumenter au sujet de l’existence de Dieu, c’est comme argumenter au sujet de l’existence de l’air. Vous pouvez affirmer que l’air existe et moi qu’il n’existe pas. Mais, tandis que nous discutons ce point, nous sommes tous deux en train de respirer cet air !

Peut-être qu’après avoir entendu mon histoire vous penserez toujours que tout est question d’hérédité et d’environnement. Je ne chercherai pas trop à vous contredire là dessus. En fait, le point principal de mon argumentation sera de démontrer qu’il y a une parfaite harmonie entre ma foi en tant qu’enfant et ma foi d’adulte, tout simplement parce que Dieu est lui-même l’environnement qui a orienté mon enfance et qui plus tard l’a rendue intelligible.

 

La «loterie » de la naissance !

Nous entendons parfois dire que notre vie dépend en grande partie du « hasard » de notre naissance. Dans l’antiquité, on prétendait que certaines personnes étaient sorties toute faite du front des dieux. Ce n’est en tout cas plus vrai de nos jours. Malgré tout, je réalise que la meilleur chose qui vous soit arrivée est la suivante : Vous êtes nés, m’a-t-on dit à Washington, à l’ombre de la Maison Blanche et moi je suis né dans une petite ferme avec des vaches, en Hollande. Vous avez chaussé des escarpins dorés et moi des sabots de bois. 

 

Mais tout ceci est-il vraiment utile à notre sujet ? Pas particulièrement, cependant il est quand même important de remarquer que ni l’un ni l’autre n’est né à Guadalcanal ou à Tombouctou. Nous vivons tous les deux en milieu christianisé, sous l’influence de la civilisation chrétienne. Nous allons donc limiter notre conversation au Dieu du christianisme.

Je crois, alors que vous ne croyez pas, ou en tout cas vous n’êtes pas certain de croire en ce Dieu précisément. Cela fera le sujet de notre débat. En effet, quel serait le sens de parler de l’existence de Dieu et s’il peut ou ne peut pas exister alors que nous ne saurions pas de quel Dieu nous parlons ?

 

Voilà déjà un point acquis. Nous savons au moins de façon générale quel genre de Dieu sera le sujet de notre discussion. Si maintenant nous pouvons encore trouver un accord préalable sur les règles à suivre pour déterminer l’existence de Dieu, alors nous pourrons avancer !

            Vous ne vous attendez évidemment pas à ce que je vous amène Dieu dans cette pièce de sorte que vous puissiez le voir. Si je pouvais le faire, ce ne serait pas le Dieu du christianisme. En fait, tout ce que vous pouvez espérer de moi, c’est de rendre raisonnable le fait de croire en Dieu. Et j’aimerais bien vous dire que c’est ce que j’essaye de faire, mais après réflexion j’hésite : Si vraiment vous ne croyez pas en Dieu, alors bien sûr vous ne croyez pas non plus que vous êtes sa créature. Moi qui croit en Dieu, au contraire je crois bien sûr qu’il est parfaitement raisonnable pour sa créature de croire en lui ! Je peux donc seulement essayer de démontrer que même si cela ne vous paraît pas raisonnable, il peut quand même être raisonnable pour vous de croire en Dieu.

Mais je vous sens tendu… Vous vous sentez un peu comme un homme qui va entrer dans le bloc opératoire pour  y subir une grosse opération ! Vous réalisez que si vous voulez changer de point de vue sur Dieu, il vous faudra aussi changer de point de vue sur vous-même. Et cela, vous n’êtes pas tout à fait prêt à le faire. Vous pouvez partir si vous le souhaitez. Je ne veux vraiment pas abuser. J’ai juste pensé que vous voudriez connaître l’autre côté de la question. Après tout, je ne vous demande pas d’être d’accord avec ce que je dis. Nous n’avons convenu que de définir d’une manière générale et formelle ce que nous entendons par « Dieu ». Vous n’avez pas besoin d’être d’accord au-delà de ces règles générales et formelles.

 

Enfance

Par la suite, je me souviens avoir joué, comme enfant, dans un bac à sable au fond de la grange à foin. De là il fallait traverser l’étable pour se rendre à la maison. Il y avait une chambre pour un ouvrier, aménagée dans la grange. J’ai eu la mauvaise idée de demander à pouvoir passer une nuit dans cette chambre isolée. On a fini par m’accorder la permission d’y aller. Je ne connaissais pas encore Freud à cette époque là, mais j’avais entendu parler des fantômes et des esprits ! Cette nuit là j’ai entendu le cliquetis des chaînes des vaches, Je savais bien que c’était les vaches qui faisaient ce bruit… Mais au bout d’un certain temps, je n’en était plus si sûr ! N’y avait-il pas quelqu’un qui marchait dans l’allée de l’étable… et qui s’approchait de mon lit ?  On m’avait appris à dire mes prières du soir. Elles disaient entre autre ceci : « Seigneur, convertis-moi afin que je puisse être converti ». Cette nuit-là, j’ai prié ainsi comme je n’avais encore jamais prié jusqu’ici !

 

Je ne me souviens pas avoir parlé à mon père ou à ma mère de mon angoisse. Ils n’auraient pas pu y apporter le remède moderne : La psychologie n’était pas arrivée sur les rayons de leur bibliothèque et ne pouvait pas faire concurrence au « Journal de la femme au foyer » ! Pourtant, je sais ce qu’ils auraient dit : -Bien sûr que les fantômes n’existent pas… et, de toute façon je ne devais pas avoir peur puisque j’appartenais corps et âme à mon Sauveur qui est mort pour moi sur la Croix et ressuscité afin que son peuple puisse être sauvé de l’enfer et aller au ciel. Je devais prier avec sincérité et persévérance pour que l’Esprit Saint puisse me donner un cœur nouveau afin d’aimer vraiment Dieu plutôt que le péché et l’amour de moi-même.

 

Comment puis-je savoir  que c’est le genre de chose qu’ils m’auraient dit ? Simplement parce que c’était le genre de chose dont ils avaient l’habitude de parler. Ou plutôt, c’était le genre de chose qui constituait l’atmosphère de notre vie quotidienne. Nous n’étions pas du tout ce qu’on pourrait appeler une famille piétiste. Je ne me souviens pas qu’il y ait eu chez nous des fortes manifestations émotionnelles. S’il y a eu parfois de l’agitation, c’était à propos des foins durant l’été, ou de soucis au sujet des vaches et des moutons durant l’hiver, mais autour de ce sujet régnait une atmosphère profondément paisible. Cependant, bien qu’il n’y ait pas eu de grandes averses tropicales de type « revivaliste », le taux d’humidité spirituel était très élevé ! A chaque repas toute la famille était présente. Tout se terminait ou s’ouvrait avec la prière et un chapitre de la Bible était lu chaque fois. La Bible a été lue de la Genèse à l’Apocalypse. Au petit déjeuner ou au dîner, suivant où nous en étions nous entendions parler du Nouveau Testament ou « des enfants de Gad et de leurs familles, de Tsephôn et Haggui, de Shouni et Ozni, de Eri et Areli » ! (Gn 46.16) Je ne prétends pas que j’ai toujours tout compris. Pourtant, dans l’ensemble, cela ne fait pas de doute, la Bible est devenue pour moi, dans toutes ses parties comme dans chaque syllabe, vraiment la Parole de Dieu. J’ai appris que je devais croire le récit des Ecritures et que la foi était un cadeau de Dieu. Ce qui s’était produit dans le passé en Palestine avait été le plus grand moment pour moi. En somme, j’ai été élevé dans ce qu’un philosophe a appelé  « un esprit de clocher spatio-temporel » ! J’ai été conditionné de la façon la plus complète. Je ne pourrais donc pas vous aider à croire en Dieu -le Dieu du christianisme- le Dieu de toute la Bible !

 

Mais vous, vivant à côté de la grande bibliothèque du Congrès, vous n’étiez pas aussi borné. Vos parents étaient des gens éclairés sur les questions religieuses. Ils vous ont lu la « Bible du monde » au lieu de la Bible de Palestine. Non, n’est-ce pas, corrigez-moi, ils n’ont pas fait ça. Ils n’ont pas voulu vous imposer des idées religieuses dans votre enfance. Ils cherchaient à cultiver dans leur enfant un « esprit ouvert ».

 

Devons-nous en conclure que j’ai été conditionné pour que je croie en Dieu alors que vous auriez été libre de développer, selon votre bon plaisir, votre propre opinion ? Je ne pense pas que se soit aussi simple. Vous savez comme moi que chaque enfant est conditionné par son environnement. Vous avez été tout autant conditionné à ne pas croire en Dieu que je l’ai été à croire. Il faut appeler les choses par leur nom ! Si vous dites que ma foi m’a été inculquée à travers le biberon, je répondrai que votre incroyance aussi vous a été inculquée à travers le biberon ! Cette constatation nous obligera à bien situer notre débat.

 

Ecole primaire

Avant d’en venir à notre sujet, encore quelques mots sur mon parcours scolaire. Cela mettra tous les éléments en place.

 

Je n’avais pas cinq ans lorsque quelqu'un –heureusement, je ne me souviens pas qui- m’a amené à l’école. Le premier jour j’ai été vacciné et ça m’a fait mal ! Je m’en souviens encore. J’avais déjà été à l’Eglise. Je m’en rappelle, probablement parce que je portais pour l’occasion mes belles chaussures en cuir bien brillantes. Une formule à été lue lors de mon baptême qui affirmait solennellement que j’avais été conçu dans le péché, selon l’idée que mes parents, comme tous les hommes, avaient hérité du péché d’Adam, le premier homme et représentant de la race humaine. La formule baptismale continuait en disant que, bien qu’inévitablement conditionné par le péché, j’étais, en tant qu’enfant de l’Alliance, racheté par le Christ. Lors de cette cérémonie, mes parents ont solennellement pris l’engagement de m’instruire de tout ces sujets dès que je serai en âge de comprendre, par tous les moyens à leur disposition.

 

C’est pour répondre à ce vœux qu’ils m’ont envoyé dans une école chrétienne. Là-bas j’ai appris que ma condition de racheté du péché et mon appartenance à Dieu allait influencer et marquer tout ce que je savais et faisais. J’ai vu la puissance de Dieu dans la nature et sa providence à l’œuvre dans le cours de l’histoire. Cela a donné une certaine assise à mon salut en Christ. Bref, le monde dans sa totalité s’est peu à peu ouvert à ma compréhension. A travers mon instruction j’ai appris à considérer toutes ces questions sous la direction de la toute-puissance et de l’omniscience du Dieu dont je suis l’enfant par le Christ. Je devais apprendre à penser les pensées de Dieu après lui, en m’y efforçant dans tous les domaines de la connaissance.

 

Bien sûr, il y a eu des bagarres dans la cours de l’école et j’ai participé à certaines d’entre elles –mais pas à toutes !- Les sabots de bois se révélaient de redoutables armes de guerre… Pourtant on nous avait strictement interdit de les utiliser à ces fins, même pour nous défendre. Il y avait toujours des professeur ou des parents pour nous parler du péché et du mal en relation avec nos exploits guerriers !

Ce fut particulièrement le cas lorsqu’un « régiment » des nôtres sorti pour en découdre avec des élèves de l’école « publique ». Les enfants de l’école publique ne nous aimaient pas. Ils avaient un vocabulaire particulièrement riche pour nous insulter et ne se privaient pas de nous le dire :  - Pour qui vous prenez-vous ? - Bandes de petits saints ! - Voilà les  trop-bons-pour-l’école publique !

« Tiens, attrapez et dégustez-moi ça ! » Nous avions décidé de répliquer en nature. Ainsi, notre sens de la différence s’est développé à travers plaies et bosses ! On nous a longuement expliqué, à la fin de la journée, que nous devions apprendre à supporter l’opprobre du « monde ». Le monde n’avait-il pas haï l’Eglise depuis l’époque de Caïn déjà ?

 

Quelle différence avec votre parcours d’instruction primaire ! Vous avez fréquenté une école « neutre ». Tout comme vos parents l’avaient fait à la maison, vos professeurs l’ont aussi fait à l’école, Ils vous ont enseigné à être « ouvert d’esprit ». Dieu ne vous a pas été présenté en relation avec vos études en sciences naturelles et en histoire générale. Vous avez été formé de A à Z sans parti pris !

 

Vous comprenez mieux maintenant ? Vous réalisez que tout cela est complètement illusoire : Etre sans parti pris, c’est tout simplement une autre façon d’avoir un parti pris !  L’idée de neutralité en matière religieuse est juste une tenue de camouflage qui recouvre une attitude négative envers Dieu. Il faut bien voir que celui qui n’est pas pour le Dieu du christianisme est, de fait, contre lui. Le monde lui appartient et vous êtes une de ses créatures. En tant que tel, vous devriez vous en montrer digne en l’honorant, que ce soit en mangeant, en buvant ou en faisant quoi que ce soit d’autre.

Vous êtes et vous vivez dans le « territoire » de Dieu, signalisé par des grands panneaux de propriété placés un peu partout, de façon à ce que, même celui qui circule à 100 km/h puisse les lire.  Ainsi, chaque « fait » dans ce monde signale le Dieu de la Bible (Rm 1.20). Il porte sa marque indélébile. Comment dès lors pourriez-vous rester neutre en face de Dieu ? Si vous vous promenez tranquillement le jour de la fête nationale à Washington, vous demanderiez-vous si le monument dédié à Lincoln commémore  n’importe qui ?  Regarderez-vous le drapeau étoilé flottant sur son mât en pensant qu’il est là par hasard ? Est-ce que ces choses ne signifient rien pour un citoyen de ce pays ? Vous mériteriez de connaître le sort d’un apatride si, en tant que citoyen américain vous étiez « neutre » vis-à-vis de l’Amérique ! Dans un sens beaucoup plus grave, vous mériteriez de vivre pour toujours sans Dieu si vous ne le reconnaissez pas et ne le glorifiez pas comme votre Créateur.  Dans votre intérêt éternel, ne vous aventurez pas à « trafiquer » le monde de Dieu selon vos propres besoins, surtout pas vous, petite créature porteuse de son image.  Quand Eve s’est crue neutre entre Dieu et le diable, pesant leurs arguments comme s’ils étaient pour elle d’égale valeur, elle était en réalité déjà du côté du diable !

 

Vous allez peut-être vous emporter, mais calmez-vous et asseyez-vous. Vous êtes un esprit ouvert et impartial n’est-ce pas ? Vous avez appris que toute hypothèse a, au moins en théorie, le droit d’être entendue comme toutes les autres, n’est-ce pas ? Après tout, je vous demande seulement de voir ce qu’implique la conception chrétienne de Dieu. Si le Dieu du christianisme existe, les évidences qui attestent son existence sont abondantes et claires de sorte qu’il serait contraire à la science et coupable de ne pas croire en lui. Quand certains disent par exemple que « l’évidence de Dieu est loin d’être claire » pour la simple raison que si c’était si clair, tout le monde croirait en lui, ils ne posent pas la bonne question. Si le Dieu du christianisme existe, cela doit être évident. Pour quelle raison alors « tout le monde » ne croit-il pas en lui ? Parce que « tout le monde » est aveuglé par le péché. Tout le monde porte des lunettes teintées. Connaissez-vous l’histoire de la Vallée des aveugles ?  Un jeune homme s’étant perdu lors d’une partie de chasse est tombé d’un précipice dans la « Vallée des aveugles ». Il n’était pas possible pour eux d’en sortir. Quand le jeune homme à voulu parler aux habitants aveugles du soleil et des couleurs de l’arc-en-ciel, les hommes-aveugles ne l’ont pas compris. Seule une jeune femme l’a écouté quand il lui a parlé le langage de l’amour… Mais jamais son père n’aurait accepté de la donner en mariage à un fou qui leur parlait de choses qui n’existent pas !  Alors les grands psychologues de l’université des aveugles ont proposés de le guérir de sa folie en cousant ses paupières. Ainsi, assuraient-ils, il deviendrait normal, comme « tout le monde ». Mais l’humble prophète a quand même continué d’affirmer qu’il avait vu le soleil .

Ainsi, je suggère non seulement de vous faire opérer le cœur afin de changer votre volonté, mais aussi les yeux afin de changer votre manière de voir. Mais soyez sans crainte, je ne vais pas opérer moi-même, j’en serai bien incapable ! Je veux juste vous rendre attentif au fait que vous êtes peut-être aveugle… Pensez-y, c’est à vous de décider. Si une opération devait être entreprise, elle ne pourrait l’être que par Dieu lui-même.

 

Ecole secondaire

Finissons mon histoire. A l’âge de dix ans, je suis venu en Amérique, et, après quelques années j’ai décidé de faire des études pour me préparer au ministère pastoral. Cela signifiait de passer par une école préparatoire et par l’université. Tous mes professeurs étaient payés pour enseigner leur matière dans une perspective chrétienne. Vous imaginez ? Non seulement la religion mais même l’algèbre était abordée d’un point de vue chrétien ! C’est ainsi que les choses se sont passées. On m’a enseigné que tous les faits et leurs relations mathématiques et autre obéissent à des règles déterminées par Dieu. Si ce n’était pas le cas, la définition même des choses serait non seulement insuffisante, mais fondamentalement faussée par le fait que Dieu est écarté du tableau.

            N’avons-nous jamais étudié d’autres points de vues ? N’avons-nous pas entendu parler de la théorie de l’évolution ou d’Emmanuel Kant, le grand philosophe de la modernité qui a prouvé de manière définitive que tous les arguments cherchant à prouver l’existence de Dieu étaient inadéquats ? Bien sûr que nous en avons entendu parler, mais il nous a été donné des réfutations qui nous ont semblé de taille à s’opposer à ces objections.

 

Dans le séminaire que j’ai fréquenté, le « Calvin Theological Seminary » et plus tard au « Princeton Theological Seminary », avant que celui-ci n’adopte des positions libéralisantes en 1929, la situation était la même. Le Dr. Robert Dick Wilson avait coutume de dire que l’étude des documents bibliques dans les langues anciennes nous montrait que la « haute critique » n’avait rien « produit » qui puisse véritablement mettre en péril notre confiance enfantine dans l’Ancien Testament reçu comme Parole de Dieu. De la même façon, le Dr. Gresham Machen, avec d’autres, affirmait que le christianisme néo-testamentaire est intellectuellement  défendable et que la Bible est exacte dans ses affirmations. Vous pouvez juger leurs arguments par vous-même en lisant leurs écrits. Bref, j’ai été exposé à l’enseignement du christianisme historique et à une doctrine de Dieu qui a été développée dans tous ses aspects et ses conséquences par ceux qui croyaient que c’était la meilleure manière d’interpréter son sens.

 

Ce que je viens de vous raconter vous aura aidé, je l’espère, à éclairer et à préciser notre question fondamentale. Vous savez maintenant un peu mieux de quel « genre » de Dieu je vous parle. Si mon Dieu existe, c’est celui de mes parents et de mes professeurs. C’est lui qui m’a conditionné dès mon jeune âge. Mais c’est aussi lui qui a conditionné toutes les choses qui vous ont conditionné dès votre jeune âge ! Dieu, le Dieu du christianisme, est le « Tout-Conditionneur »* !  Et, en tant que Tout-Conditionneur, Dieu est le Tout-Conscient ultime. Un Dieu qui contrôle toute chose doit les contrôler librement car il est « …celui qui opère tout selon le conseil de sa volonté » (Eph.1.11), sinon il serait alors lui-même conditionné par une cause qui lui serait supérieure. Ainsi, je soutiens que ma foi en Dieu tout autant que votre incroyance sont l’une et l’autre également dénuées de sens, excepté pour lui.

 

* Note :  « Tout-Conditionneur » : Celui qui en dernier ressort influence toute la réalité, y compris nos propres pensées et raisonnements à son sujet. (John Frame). Van Til fait allusion à la souveraineté divine telle qu’elle a été définie par les docteurs calvinistes. Pr 22.2 ; Jr 5.24 ; Ac 17.25 ; Rm 8.28 ; etc.)

 

 

Réponses aux objections.

 

Vous devez probablement vous demander si je n’ai jamais entendu les objections que l’on oppose à la foi en un tel Dieu. Evidemment, je les ai entendues. Elles m’ont été exposées par mes professeurs qui cherchaient à leur répondre. Je les ai aussi entendues de la part d’enseignants convaincus de leur bien fondé et qui ne croyait pas que l’on puisse les réfuter. Comme étudiant à Princeton, j’ai suivi quelques cours d’été au Chicago Divinity School, et j’y ai été confronté au point de vue moderniste et libéral sur la Bible enseigné là-bas. Ensuite, après ma formation en théologie, j’ai passé deux ans à l’université de Princeton pour y étudier la philosophie. Les théories des philosophes modernes ont été présentées et réfutées par des hommes remarquables. Bref, j’ai été exposé à l’incroyance aussi pleinement que je l’avais été à la foi. J’ai entendu les arguments des deux côtés, exposés par des représentants convaincus de leur point de vue.

 

Vous m’avez un peu forcé à parler ainsi à cause de l’expression apitoyée que je lis sur votre visage ! Vos réactions me montrent que vous n’êtes pas au courant des arguments avancés par le courant scientifique et philosophique moderne qui entend demeurer fidèle à un Dieu qui a réellement créé le monde et qui conduit toutes choses en fonction d’objectifs qu’il a prévu pour lui. Je suis simplement un de ceux, nombreux, qui s’en tiennent à l’ancienne foi, en pleine connaissance de ce que peut dire la science moderne, la philosophie moderne et la critique biblique moderne.

 

Je ne peux manifestement pas entrer en discussion sur tout les faits et les raisons invoqués contre la foi en Dieu. D’autres ont consacré leur vie à l’étude de l’Ancien Testament, d’autres au Nouveau Testament. Ce sont leurs travaux que vous devriez étudier pour une réfutation précise des objections soulevées par la critique biblique. D’autres se sont spécialisés en physique et en biologie. C’est à eux que je dois me référer pour discuter les nombreux aspects liés à des sujets tels que l’évolution par exemple. Mais une chose est à la base de tous ces débats, et c’est  de cette chose dont je voudrais maintenant m’occuper.

 

Vous pensez certainement que je me suis trop avancé. Au lieu de parler de Dieu comme de quelque chose de vague et d’indéfini à la façon du modernisme, du barthisme ou du mysticisme,  d’un dieu vide de tout contenu, loin de la réalité concrète et sans exigence sur les hommes, je me suis appuyé sur une idée de Dieu qualifiée de dépassée par la science et de contraire à la raison. C’est comme si je rajoutais la bêtise au ridicule en vous présentant le Dieu le plus déplorable que je puisse trouver ! Ce sera très facile pour vous de me contrer. Je sens que vous êtes prêts à déverser sur ma tête des quantités de données puisées dans les grands classiques de la physique, de la biologie, de l’anthropologie et de la psychologie ou, à m’écraser avec le  poids lourd de la « Critique de la raison pure » d’Emmanuel Kant ! Mais sachez que j’ai déjà subi ce genre de douche bien des fois. Avant que vous ne preniez la peine de commencer, il y a un premier point que je veux soulever. J’y ai déjà fait allusion quand nous avons parlé de la question de nos critères.

 

Voici ce point :  Ne croyant pas en Dieu, nous avons vu que vous ne pensez pas être une créature de Dieu. Et, ne croyant pas en Dieu, vous vous ne pensez pas que l’univers a  été créé par Dieu.

En fait vous pensez à vous et au monde simplement comme une constatation, sans plus. Mais si

vous êtes réellement une créature de Dieu, votre attitude est très injuste à son égard. C’est même offensant pour lui. L’ayant offensé vous encourez sa disgrâce. Dieu et vous n’êtes pas « en bons termes ». Vous avez même de bonnes raisons d’essayer de prouver qu’il n’existe pas. En effet, s’il existait, il vous reprocherait votre mépris à son égard. Vous êtes donc obligés de porter des verres teintés. Et cela influence tout ce que vous dites sur les faits et les raisons de votre incroyance.  Vous avez mangé et chassé sur ses terres sans son autorisation. Vous avez grappillé dans ses vignes sans payer et vous avez méprisé les gardes champêtres qui vous ont parlé en son nom.

 

A ce propos, je dois vous présenter des excuses. Nous autres, qui croyons en Dieu, n’avons en effet pas toujours été clairs là-dessus. Trop souvent nous avons parlé de la question des faits et de leur sens en pensant que nous étions d’accord avec vous sur ce qu’ils sont vraiment. Dans nos arguments  en faveur de l’existence de Dieu nous avons supposé que nous partagions le même domaine de connaissance sur lequel nous pensions nous accorder. Mais en réalité il ne va pas de soi que vous regardiez tous les faits dans toutes les dimensions de la vie réellement de la même manière que nous. Nous pensons vraiment que vous avez des verres teintés sur le nez, même quand vous parlez de poulets ou de vaches autant que de la vie dans l’au-delà ! Nous aurions dû vous le dire plus clairement que nous ne l’avons fait, mais nous avions trop honte d’apparaître à vos yeux comme tenant des positions  anachroniques ou extrémistes. Nous étions tellement désireux de ne pas vous froisser que nous avons fini par froisser notre propre Dieu. Mais nous n’osons plus vous présenter notre Dieu comme plus petit et moins exigeant qu’il ne l’est en réalité. Il veut être présenté comme le « Tout-Conditionneur », comme celui qui donne sa place même à ceux qui lui refusent cette nécessaire position.

 

En me présentant vos raisons et vos arguments, vous supposez qu’un tel Dieu n’existe pas. Vous avez pris pour certain  que vous n’avez besoin de rien en dehors de vous-même. Vous êtes obligé d’assumer la responsabilité de votre autonomie. Résultat, vous ne pouvez pas, -disons plutôt, vous n’êtes pas prêt- à accepter un fait quelconque comme un fait qui mettrait en question votre point de vue. Vous êtes obligé d’appeler contradiction ce qui ne parvient pas à s’accorder à votre cadre intellectuel. Cela vous rappelle peut-être la légende du lit de Procuste ? Lorsque ses victimes étaient trop grandes, il leur coupait les jambes pour qu’elles ne dépassent pas le lit, si elles étaient trop petites, il les écartelait pour les rallonger ! Or, j’estime que c’est ce que vous faites avec toutes les données de l’expérience courante humaine. Je vous demande d’être lucide sur vos a priori fondamentaux et d’oser aller regarder dans le sous-sol de votre propre expérience pour voir ce qui s’y est accumulé alors que vous étiez très occupé par les obligations de la vie ? Vous pourriez être très surpris de ce que vous y trouverez. Pour éclairer ma pensée, j’illustrerai ce que j’ai dit en montrant comment les philosophes et les scientifiques modernistes manipulent les faits et les doctrines du christianisme.

Fondamentalement, tous les faits et doctrines du christianisme sont impliqués dans la foi en Dieu, et dans la doctrine de la création. Mais aujourd’hui les philosophes et les scientifiques modernistes prétendent généralement qu’accepter une telle doctrine ou croire  en de tels évidences serait un refus de voir la réalité en face. Ils disent cela non seulement dans le sens que personne n’était là pour vérifier, mais plus radicalement encore, que ce serait logiquement impossible. Cela violerait les lois fondamentales de la logique, affirment-ils.

 

L’argument courant contre la doctrine de la création vient de Kant. Il peut être formulé dans les termes d’un philosophe plus récent, James Ward : « Si nous essayons de concevoir Dieu séparément du monde, il n’y a plus rien qui nous conduise à une création » (Realm of Ends , p. 397). Cela veut dire que si Dieu doit être relié en tout à l’univers, il doit être soumis  à ses conditions.  

Mais que déclare la doctrine de la création ? Elle dit que Dieu est la cause qui a amené le monde à l’existence. Et que voulons-nous dire par le mot « cause » ? Dans notre expérience, elle est logiquement corrélative au mot « effet ». Si vous avez un effet, vous devez avoir une cause et si vous avez une cause vous devez avoir un effet. Ainsi Dieu est à l’origine du monde (en est la cause), il l’a nécessairement été sinon Dieu n’aurait pas pu  produire un effet. Et ainsi l’effet peut vraiment indiquer ce qu’est la cause de la cause. Notre entendement  peut donc admettre un Dieu qui ne dépend pas autant du monde que le monde ne dépend de lui.

Le Dieu du christianisme n’a pas à répondre aux exigences de l’homme autonome. Il prétend se suffire totalement à lui-même. Il prétend  avoir créé le monde non par nécessité mais selon sa libre volonté. Il prétend ne pas avoir changé en lui-même quand il a créé le monde. Son existence doit donc être impossible a-t-on dit, et la doctrine de la création doit être une absurdité.
On a aussi dit que la doctrine de la providence est en contradiction avec l’expérience. Mais c’est normal. Celui qui rejette la création doit logiquement rejeter également la providence. Si toutes choses sont commandées par la providence divine, pensons-nous, il ne peut rien se passer d’original mais l’histoire est un théâtre de marionnettes.
Je pourrais vous donner beaucoup de faits pour vous prouver l’existence de Dieu. Je pourrais vous dire que tout effet a besoin d’une cause. Je pourrais parler de la merveilleuse structure de l’œil comme d’une évidence démontrant que la nature répond à un but divin. Je pourrais faire appel à l’histoire de l’humanité pour prouver qu’elle a été dirigée et commandée par Dieu. Mais toutes ces évidences vous laisseraient de marbre. Vous diriez simplement que nous pouvons expliquer la réalité autrement, nous n’avons pas besoin de «faire intervenir » Dieu. Causes et buts, répéteriez-vous, sont les maîtres mots que les hommes doivent utiliser concernant tout ce qui tourne autour de nous parce qu’ils paraissent jouer comme nous jouons nous-mêmes, mais seulement dans le cadre où nous pouvons jouer.

 

Et lorsque nous voulons vous présenter les arguments qui justifient le christianisme l’astuce est toujours la même. Si je vous parle d’accomplissement des prophéties, vous répondez aussitôt que cela me semble tout naturel à moi et à d’autres, mais qu’en réalité il est impossible à une intelligence quelconque de prédire le futur depuis le passé.  Si c’était le cas, tout serait figé et l’histoire serait sans surprise ni liberté.

 

Et, si je me tourne vers les nombreux miracles, la stratégie est la même. Le Dr William Brown, théologien moderniste éminent en donne la parfaite illustration : « Prenez n’importe quel miracle de la Bible », dit-il, « la naissance virginale de Jésus, la résurrection de Lazare ou la Résurrection de Jésus-Christ. Supposez que vous pouvez démontrer que ces événements se sont produits littéralement, comme ils prétendent s’être produits. Qu’aurez-vous alors prouvé ? Tous simplement que notre champ de connaissance avait besoin d’être élargi ; que nos anciens concepts étaient trop limités et avaient besoin d’être révisés ; que nous étions jusqu’ici  ignorants sur les questions touchant à l’origine de la vie et à son prolongement. Mais la chose que vous  n’avez pas démontrée, et que vous ne pouvez pas démontrer, c’est qu’un miracle s’est réellement produit ; pour cela, il faudrait admettre que ces questions sont irréductiblement insolubles, qu’il n’existe aucune possibilité de les résoudre et que toutes les tentatives d’explications possibles ont étés données ». (God at Work, New-York, 1933, p.169). Observez avec quelle assurance Brown utilise l’arme de la logique contre l’idée de miracle. D’autres critiques bibliques avant lui ont mis en doute la réalité des miracles à un moment ou à un autre. Ils l’ont fait plus insidieusement en n’attaquant que certains secteurs du « territoire » du christianisme. Brown quant à lui a voulu attaquer de front l’ensemble du sujet par une charge massive. Les « pilules » qu’il na pas pu avaler du premier coup, il les avalera plus tard ! Ce qu’il veut, c’est d’abord obtenir rapidement le contrôle du territoire. Il le fait en appliquant  d’emblée le principe de non-contradiction. Le miracle sera homologué, dit Brown, quand je pourrai démontrer qu’il est en accord avec ma définition des lois de la logique. Si vraiment les miracles veulent prétendre au statut scientifique, et ainsi être reconnus comme des faits authentiques, ils doivent d’abord obtenir leur « droit de cité » au royaume de la recherche scientifique. Et cette admission leur sera accordée dès  qu’ils se soumettront aux petites formalités administratives qui les priveront de ce qui fait précisément leur caractère exceptionnel. Les miracles doivent présenter leur acte de naturalisation s’ils souhaitent voter dans le royaume de la science et y avoir une influence !

 

Prenons maintenant les quatre points que j’ai mentionné –la création, la providence, les prophéties et les miracles. Ensemble, ils représentent la totalité de ce qu’on entend par théisme chrétien. Ils englobent la complexité impliquée dans l’idée de Dieu et de ce qui gravite autour. A plusieurs reprises et de bien des manières les preuves de tout cela ont été présentées. Mais vous avez toujours une réponse toute prête et définitive : Impossible ! Impossible ! Vous faites comme ce fonctionnaire des postes qui a reçu une pile de courrier dont les adresses sont écrites dans des langues étrangères. Il les distribuera, dit-il, dès qu’elles seront écrites en bon français académique par ceux qui les ont envoyées. En attendant, elles dormiront au département du courrier en attente. A la base de toutes les objections avancées par les philosophes et les scientifiques contre les preuves de l’existence de Dieu se trouve l’affirmation ou la supposition qu’accepter une telle preuve équivaudrait à briser les règles de la logique.

 

Il y a encore un point que je dois  examiner. Vous êtes sans doute déjà allé chez le dentiste et vous savez qu’il fore toujours plus profond dans la dent afin d’atteindre le nerf…

 

Mais avant que je n’arrive au nerf, je dois encore une fois vous présenter des excuses. Le fait de voir tellement de gens placés devant les preuves de l’existence de Dieu et qui pourtant ne croient pas nous a terriblement découragé. Nous avons alors adopté des mesures désespérées. Dans le soucis de gagner votre bonne volonté, nous avons de nouveau transigés avec notre Dieu. Notant le fait que les hommes ne voient pas, nous avons cru devoir leur accorder que ce qu’ils devraient voir est difficile à voir. Dans notre désir de gagner l’approbation des hommes nous avons concédé que les évidentes preuves de l’existence de Dieu ne sont que des probabilité. Et, après cet aveu fatal nous avons fait un pas de plus vers le bas, au point où nous avons admis, ou pratiquement admis, que ces preuves ne sont pas vraiment contraignantes. C’est ainsi que nous sommes retombés sur le témoignage plutôt que sur des preuves argumentées. Après tout, disons-nous, on ne trouve pas Dieu avec des arguments on le trouve avec le cœur. C’est de cette manière que nous témoignons, disant aux hommes que nous étions morts, mais maintenant vivants, que nous étions aveugles et que maintenant nous voyons, en renonçant à tout argument intellectuel.

 

Pensez-vous que Dieu approuve pareille attitude de la part de ses disciples ? Je ne le crois pas. Le Dieu qui dit être à l’origine de tous les faits et qui a apposé son sceau sur chacun d’eux n’accordera pas d’excuse à ceux qui refusent de le voir. De plus, une telle attitude serait irresponsable. Si quelqu’un, visitant Washington, votre ville natale, refusait d’admettre qu’il s’y trouve les bâtiments du gouvernement des Etats-Unis, vous le prendriez par la main pour l’emmener constater par lui-même qu’ils existent bel et bien. De la même manière, votre expérience et votre témoignage de conversion n’aurait aucune signification sans la vérité objective des faits qu’ils présupposent. Un témoignage sans argument crédible n’est pas un témoignage, exactement comme un argument qui n’est pas attesté n’est pas non plus crédible.

 

Laissons cela pour le moment. Voyons maintenant ce que la psychologie des religions, qui fonctionne sur les mêmes fondements que ceux des philosophes modernistes, fera de notre témoignage. Elle opère une distinction entre les données brutes et leur cause, nous accordant les données brutes, et se réservant à elle-même l’interprétation de la cause. Le professeur James H. Leuba, un éminent psychologue de Bryn Mawr (Ontario), procède de façon typique. Il déclare : « la réalité de n’importe quelle donnée brute  -d’une expérience directe dont le sens des mots ne peut être contesté- : Si j’ai froid ou chaud, si je suis triste ou joyeux, découragé ou confiant, c’est que j’ai froid,  je suis triste, découragé, etc., et tous les arguments qui pourraient être avancés pour prouver que je n’ai pas froid seraient bien évidemment ridicules ; Une expérience directe ne peut pas être contredite ; elle ne peut pas être fausse ». Tout ceci semble, en apparence, très encourageant. Le requérant peut nourrir l’espoir d’une admission rapide. Mais il faut encore passer par le centre d’immigration d’Ellis Island* !

(*Ellis Island : Centre d’hébergement près du port de New-York où les candidats à l’immigration devaient attendre la décision administrative en vue de leur admission aux Etats-Unis) 

« Si les données brutes de l’expérience ne sont pas sujettes à critiques, leurs causes le sont. Si je dis que mon impression de froid est due à une fenêtre ouverte, à un état de fièvre causée par  un médicament, ou que mon courage a été renouvelé par Dieu, mon affirmation va plus loin que mon expérience directe. Je lui ai attribué une cause, et cette cause peut être juste ou fausse ». (God or Man, New York, 1933, p. 243.) Le candidat à l’immigration pourra attendre  un million d’années dans le centre d’immigration ! Ainsi, si je dis que je suis un croyant par le Christ, et que je suis régénéré par l’Esprit Saint, le psychologue dira que se sont des données brutes d’expérience et, par conséquent, incontestables. Nous  ne pouvons pas les nier. Mais pour nous elles ne signifient rien, continuera-t-il. Si vous voulez  qu’elles signifient quelque chose pour nous vous devez donner une cause à votre expérience. C’est elle que nous examinerons. Votre expérience spirituelle est-elle le résultat d’un « joint » ou de Dieu ? Vous prétendez que c’est de Dieu. Fort bien, mais ce n’est pas possible puisque les philosophes ont prouvé qu’il est contraire à la logique de croire en Dieu. Revenez nous voir quand vous voulez, dès que vous aurez changé d’avis au sujet de la cause de votre conversion. Nous serons très heureux de vous accueillir et de vous compter au nombre des citoyens de notre royaume, à condition toutefois de nous présenter vos papiers de naturalisation !

 

Nous en arrivons à un passage délicat. Nous avons convenu dès le départ de nous dire la vérité. Si je vous ai offensé c’était par crainte d’offenser Dieu en essayant de vous convaincre à n’importe quel prix. Et si je ne vous ai pas offensé, c’est peut-être que n’ai pas parlé de mon Dieu comme il aurait fallu ! Vous avez « trafiqué » les évidences en faveur de la foi en Dieu, vous mettant vous-même à la place de Dieu. Vous en avez tiré vos propres conclusions, définissant vous-même la règle de ce qui est possible ou impossible. Ce faisant, vous manifestez pratiquement que vous n’avez jamais eu l’intention de reconnaître que Dieu puisse être derrière un fait quelconque. Les faits, pour être véritablement des faits -des faits en accord avec le « scientifiquement et le philosophiquement correct »- devraient porter votre sceau  plutôt que celui de Dieu, leur créateur potentiel.

 

Evidemment, je sais bien que vous n’avez jamais  prétendu avoir créé des arbres et des éléphants. Pourtant, vous dites bel et bien que les arbres et les éléphants ne peuvent pas être créés. Vous avez délibérément décidé que vous ne verrez jamais ou que vous ne serez jamais un « fait » créé. Comme le dit ce proverbe : « ce que mon filet ne peut attraper n’est pas du poisson ».

 

Je ne prétends évidemment pas que lorsque vous aurez été confronté à cette réalité vous pourrez changer d’attitude. Pas plus que l’Ethiopien ne peut changer sa peau ou le léopard ses taches, vous ne pouvez changer votre attitude. Vous avez si bien collé vos verres teintés sur votre nez que vous ne pourriez plus les enlever, même pour dormir ! Freud n’a pas bien vu le caractère coupable du péché qui garde le contrôle sur le cœur de l’homme. Seul le grand Médecin, par le sang de son expiation à la Croix et par le don de son Esprit peut enlever ces verres teintés et vous faire voir les faits pour ce qu’ils sont, des faits qui sont des évidences, des évidences indiscutables en faveur de l’existence de Dieu.

 

Je pense être maintenant assez clair sur le « genre » de Dieu en qui je crois. C’est le Dieu « Tout-Conditionneur ». C’est le Dieu qui a créé toutes choses, qui, par sa providence à conditionné ma jeunesse, me faisant croire en lui, et qui par sa grâce m’incite toujours à vouloir croire en lui. C’est le Dieu qui a également conduit votre jeunesse jusqu’à ce jour et ne vous a apparemment pas accordé la grâce de pouvoir croire en lui.

 

Mais alors, me direz-vous : « Quelle est l’utilité de cette discussion et de cette réflexion ? ». Elle est très importante en fait : si réellement vous êtes une créature de Dieu, vous lui demeurez toujours accessible. Lorsque Lazare était dans son tombeau, il était toujours accessible au Christ qui l’a appelé à revenir à la  vie. C’est à cela que les véritables prédicateurs s’attendent. Le fils prodigue a pensé qu’il pouvait échapper à l’influence de son père. En réalité, son père contrôlait même « le pays lointain » où le fils était parti. Ainsi en est-il du raisonnement. Pour raisonner juste au sujet de Dieu, il faut partir de cette base : Dieu est celui qui seul donne son sens et sa place à n’importe quelle argument humain. D’un tel raisonnement nous sommes en droit d’attendre qu’il sera utilisé par Dieu pour pulvériser les arguments à deux sous de l’autonomie humaine.

 

Je vois que vous voulez rentrer chez vous. Je ne vous blâme pas ; le dernier bus est à minuit. Je voudrais bien vous parler encore une heure de plus. Je vous invite à venir dîner chez moi dimanche prochain. Mais j’ai touché à un point sensible et peut-être ne voudrez-vous pas revenir ou, qui sait, peut-être que vous voudrez ? Cela dépend du bon plaisir du Père. Au fond de votre cœur vous réalisez très bien  que ce que j’ai dit à votre sujet est juste. Vous savez que sur ce point il n’y a pas de cohérence dans votre conception de la vie, mais vous ne voulez pas d’un Dieu qui réponde à ce besoin par ses conseils. Un tel Dieu, dites-vous, ne vous apporterait rien de nouveau. Vous êtes donc obligé de répondre vous-même à votre besoin de cohésion entre les faits et leur cause. Mais votre problème, c’est que cette cohésion ne devrait pas, selon votre propre définition, exclure quelque chose qui serait complètement nouveau. Elle devrait en tenir compte, mais n’a pas les moyens de les appréhender ! Ainsi, dans votre logique vous parlez de ce qui est possible et impossible, mais votre discours ne repose sur rien. A cause de vos propres règles, il ne pourra jamais se produire un « imprévu » dans le cadre de la réalité. Votre logique prétend pouvoir traiter des  questions éternelles et immuables mais votre définition des faits déforme complètement les choses ; ce couple ne se réconciliera jamais ! C’est pourquoi votre propre expérience aboutit à l’absurde. Avec le fils prodigue vous gardez les pourceaux, mais il se pourrait qu’à la différence du prodigue, vous refusiez de rentrer à la maison paternelle.

 

De mon côté, ma foi en Dieu me permet de rendre cohérentes les données de mon expérience. Bien sûr pas la sorte de cohésion que vous voudriez. Ce n’est pas une cohésion qui serait le résultat de ma propre définition autonome de ce qui est possible. Mais une cohésion qui dépasse la mienne, et qui la précède. Sur la base des conseils de Dieu (Ep 1.11 ; Ac 20.27), je peux voir les faits et en rendre compte sans les démolir à l’avance. En m’appuyant sur les conseils de Dieu je peux être un bon physicien, un bon biologiste, un bon psychologue ou un bon philosophe. Dans toutes ces disciplines j’use de mes facultés de raisonnement logique afin de trouver autant d’ordre dans l’univers de Dieu qu’il peut être possible à une créature d’en trouver. Les relations ou systèmes que j’établis sont vrais parce qu’ils se fondent sur des indices sérieux, qui ont leur origine dans un cohésion qui se fonde sur les conseils de Dieu.

 

Regardant autour de moi, je vois bien l’ordre et le désordre dans toutes les dimensions de la vie. Mais je les regarde le deux à la lumière du Grand Ordonnateur qui est derrière eux. Je n’ai pas besoin de renier l’un des deux par optimisme ou par pessimisme. J’observe les  plus grands spécialistes en biologie courir par monts et par vaux pour démontrer que la doctrine de la création n’est pas en accord avec les données anatomiques du corps humain, revenir en admettant que le « chaînon manquant » est toujours manquant. J’observe les grands spécialistes en psychologie rechercher dans les profondeurs de la conscience et du subconscient de l’enfant et de l’animal afin de démontrer que les doctrines de la création et de la providence ne sont pas en accord avec les mécanismes de l’âme humaine, seulement, ils reviennent et doivent reconnaître que le gouffre entre l’être humain et l’animal est plus grand que jamais. J’observe les grands spécialistes en logique et en méthodologie des sciences partir à la recherche d’une vérité transcendantale capable de résister aux marées toujours changeantes de la nouveauté, revenir et dire qu’ils ne trouvent aucun pont entre la logique et la réalité ou de la réalité à la logique. Mais je constate  que ces gens là, bien que réfléchissants à l’envers, découvrent beaucoup de choses vraies. Il suffit seulement de les « remettre à l’endroit », mettant Dieu plutôt que l’homme au centre de leur démonstration, et je découvre la merveilleuse exposition des faits que Dieu avait l’intention de leur faire voir !

 

Si mon principe de cohésion est assez large pour inclure les efforts de ceux qui le rejettent, il est aussi assez large pour inclure ce que les générations précédentes n’ont pas pu voir. Ma confiance en cette cohérence est celle d’un enfant qui marche dans la forêt avec son père. Il n’a pas peur de rencontrer un imprévu car il sait son père capable de prendre la situation en main. C’est pourquoi je reconnais volontiers qu’il demeure quelques « difficultés » en ce qui concerne la foi en Dieu entre sa révélation dans la nature et dans les Ecritures. En fait, il y a un mystère dans chaque rapport et respectivement dans chaque fait qui se présente devant moi, pour la simple raison que tous les faits ont leur explication ultime en un Dieu dont les pensées sont plus élevées que mes pensées, dont les voies sont plus hautes que les miennes. Et c’est exactement d’un tel Dieu dont j’ai besoin. Sans lui, le Dieu de la Bible, le Dieu d’autorité, le Dieu autosuffisant et incompréhensible aux humains, rien n’aurait de sens. Aucun homme ne peut avoir l’explication du sens ultime des choses, seul celui qui croit en Dieu a le droit de prétendre qu’il y a une explication d’ensemble.

 

Comme vous voyez j’ai été conditionné de toutes parts dans ma jeunesse ; je n’aurai pas pu m’empêcher de croire en Dieu. Alors qu’aujourd’hui je suis un peu plus âgé, je ne peux toujours pas m’empêcher de croire en Dieu. Je crois en Dieu maintenant parce que, si je ne le connaissais pas comme le « Tout-Conditionneur », la vie serait un chaos.

 

Je ne vous convertirai pas avec mon argument car je pense que l’argument n’est en fin de compte que du bruit. Mais ce que je prétends, c’est que la foi en Dieu n’est pas seulement aussi raisonnable qu’une autre foi, ou même un peu plus ou infiniment plus probable qu’une autre foi ; en réalité je prétends qu’à moins que vous ne croyiez en Dieu vous ne pouvez en toute logique croire en rien.

Mais comme je crois en un Dieu qui vous a conditionné comme il m’a conditionné, je sais que vous pouvez trouver toute sorte de raisons, avec le secours des biologistes, des psychologues, des logiciens et des critiques bibliques pour réduire tout ce que je vous ai dit à des raisonnements circulaires* d’un fondamentaliste obtus. C’est vrai, j’ai usé de raisonnements circulaires; mais ils l’ont été pour faire tout tourner autour de Dieu. Maintenant, je vous laisse avec lui et avec sa miséricorde.

 

 

 

*Raisonnement dont la conclusion de l’argument est identique à  son point de départ.

 

(Les notes, références bibliques et remarques sont du traducteur)

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